dimanche 18 février 2018

Conte du lundi # 96

Pour voir le texte de chacun d'après l'image ci-dessous, clic sur  Lakévio


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 Anne-Françoise Couloumy



Mon texte (en très grande partie réel) :

La première fois que j'ai gravi ces marches, c'était en serrant fort dans ma main des clefs. Mes clefs. Mes premières clefs.
2 jours avant, j'avais emprunté le bel escalier, large et aux marches recouvertes d'un épais tapis rouge maintenu par des barres dorées étincelantes. La gardienne, qui me précédait, m'a désigné une porte en disant "c'est là" et elle est repartie.
J'ai appuyé sur la sonnette et peu après, une dame a ouvert. Elle avait un visage sévère mais aimable. Elle a crié :
- Mario ! c'est la jeune fille pour la chambre de bonne.
Lorsque son mari est arrivé, elle m'a demandé quelles études je faisais, quels étaient mes revenus, puis elle a déclaré :
- Je vais vous faire visiter.
Elle a pris un trousseau de clefs, ouvert une porte dissimulée derrière un rideau et nous nous sommes retrouvées dans la cage d'escalier. L'escalier de service que je devrai prendre.
Au 6è étage, j'ai découvert un palier faiblement éclairé par 2 vasistas. Un petit lavabo était installé près de la porte des toilettes. Les autres portes étaient celles des chambres de bonne. 3 seulement étaient louées, les autres servant de débarras aux propriétaires.
Ma petite chambre donnait sur la rue. J'avais même un balcon !
Et voilà, c'était mon premier chez moi. Un petit espace de 9 m² mais mon petit coin de paradis !
Je travaillais du lundi au vendredi, puis tous les soirs ainsi que le samedi, je fréquentais une Ecole. Ensuite, j'ai enchaîné sur la fac. Ces années d'études ne m'ont rien apporté d'autres que des connaissances. J'ai continué de travailler dans des bureaux. Sans regrets.
Comme mes propriétaires étaient satisfaits de moi, ils m'ont permis de rester après la fin de mes études.
Parfois, je m'arrêtais dans l'escalier, non pour reprendre mon souffle (les 6è sans ascenseur vous maintiennent en forme !) mais pour écouter de la musique. Car mes propriétaires étaient tous les deux musiciens. Il était pianiste, elle était violoniste. Un jour, ils m'ont invité à un concert où Monsieur présentait sa dernière élève promis à un avenir brillant. C'est la première fois que j'allais dans une vraie salle de concert !
Après avoir emménagé en couple dans un tout autre quartier, et dans un "vrai" logement avec tout le confort (toilettes, salle de bain, cuisine...) j'ai continué de prendre de leurs nouvelles. Un jour, en réponse à mes bons vœux du nouvel an, elle m'a annoncé que son mari était parti suite à une longue maladie. Plus tard, je suis allée lui rendre visite, elle m'a montré ses mains toutes déformées : elle ne pouvait plus toucher à son violon. 
J'ai demandé à repartir par l'escalier de service, en guise de pèlerinage. Rien n'avait changé, hormis le silence...

18 commentaires:

  1. Quelle belle histoire que celle de cet escalier ... que d'émotion !
    Je comprends que ce premier chez toi ait été si important ... et tu était bien tombée dans cette famille mélomane. C'est gentil à toi d'être retournée voir cette dame (mais cela ne m'étonne pas de toi !). Elle devait être contente de de revoir ...

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    1. J'ai logé là quelques années, c'est normal que je me sois attachée. Puis je n'ai plus eu de nouvelles...

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  2. Oh mais tu es en avance !! le mien n'est programmé que pour demain !!
    Je t'ai suivie dans l'escalier ! un premier chez soi, qu'est ce qu'on l'apprécie ! Bonne semaine Eva ! gros bisous !

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    1. Tout à fait, un premier chez soi, même aussi spartiate (qu'un petit évier d'eau froide, les WC sur le palier, pas de frigo, juste une petite plaque électrique posée sur la commode pour manger...) c'est le début de l'indépendance. Gros bisous

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  3. un texte que j'adore, c'est vraiment touchant, on s'y croirait. je ne suis pas sure que cela soit juste , mais dans ce genre de choses, il y a toujours des choses qui nous correspondent et d'autres non. bises.celine

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    1. Tout est vrai Céline. La dernière fois que nous sommes allées à Paris, j'ai montré l'immeuble à Clara et pris une photo du petit balcon. Le seul truc ajouté, c'est la fin, je ne suis pas repartie par l'escalier de service... Bises et bon lundi (Manon est en vacances ?)

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  4. On a tous un 6ième quelque part. Le tien me fait bien sûr penser au mien. Mon premier logement Parisien? Pas beaucoup plus grand que le tien avec les WC sur le palier et sans salle de bain. Un peu de nostalgie derrière chacune de ces portes !

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    1. Dès que j'ai vu la peinture du challenge du jour, j'ai cru revoir mon ancien escalier, c'est clair. Les bons souvenirs de nos jeunes années !

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  5. Très joli texte d'après un morceau de vie. C'est très touchant. Le premier chez soi est inoubliable. Etudiante, je me souviens de ma logeuse, une dame à chignon à la respiration courte. Elle sentait l'eucalyptus. Il y avait aussi un escalier derrière la maison pour gagner ma chambre. Juste un étage...
    Merci, Eva.

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  6. J'ai connu le même genre de premier chez moi, il me manquait la musique.

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    1. Sur ce coup, j'ai eu une chance incroyable !

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  7. une belle histoire pleine de nostalgie heureuse :-)

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  8. Ton premier "chez toi" pas étonnant que tu en aies gardé de bons souvenirs surtout avec des voisins musiciens. Ton texte m'a fait penser à celui de Berthoise, son héros y est mélomane et écoute lui aussi la musique qui vient du 3è étage...

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    1. Ah oui, faut dire que la musique, ça nous marque.

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  9. Donc si je comprends bien l'artiste est venue peindre ton premier logement ? Quelle super coïncidence !
    Comment ça c'est pas ça ?
    Comment ça j'ai rien compris ?

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